Yves Senamaud, commandant la casemate d'intervalle de Bambiderstroff-Sud.
De 1936 à 1939 :
Volontaire pour servir sur la ligne Maginot, je suis arrivé à Metz le 10 Mars 1936. Comme Caporal, j'ai été incorporé à la 10éme Compagnie du 146éme Régiment d'Infanterie de Forteresse, stationné au Ban Saint Jean. La 10éme Compagnie était commandée par le Capitaine FOUBERT,personnage truculent,mais qui avait comme adjoint un officier de premier plan, sortant de Saint-Cyr, le Lieutenant DUCRAY.
Je me rappelle d'un Caporal-Chef qui s'appelait KLEIN, natif de CREUTZWALD.
Nommé SERGENT le 1er Avril 1938, je suis affecté au 2éme Bataillon du 146éme RIF, 2éme Compagnie d'Equipages, commandée par le Capitaine PUCHOIS et stationnée à ZIMMING.
Le Capitaine PUCHOIS me nomme Chef de la Casemate de BAMBI-SUD.
Note: Mr PIERRE MESSMER a bien voulu me faire savoir que le Capitaine PUCHOIS, après l'Armistice, avait rejoint les rangs de la 13éme Division Blindée de la Légion Etrangère et qu'il s'était particulièrement distingué à BIR-HAKEIM.
En 1939, je cumule mes fonction de Chef de Casemate avec la gérance du mess des Sous-Officiers et la gérance du mess-hotel des Officiers. Ces fonctions m'ont permis de connaitre tous les officiers et sous-officiers du bataillon. Bien entendu, soixante ans après, bien des noms se sont malheureusement échappés de ma mémoire.
Le 25 Août 1939, j'ai déjà fermé le mess des sous-officiers et le mess-hotel est presque vide. J'arrête mes comptes.
Vers 22 heures, le Capitaine LALLEMAND, Capitaine Adjudant-Major, vient faire un tour au bar et m'invite à prendre un verre de verveine du VELAY, liqueur fabriquée par sa famille.
Nous buvons sans dire un mot. Je décide de rejoindre BAMBI-SUD le lendemain.
Le 3 Septembre 1939, il est environ 19 heures. Je suis au P.C. de BAMBI-SUD. Le téléphone sonne. C'est le Capitaine PUCHOIS:
-SENAMAUD, prenez message,
-Je vous écoute, mon Capitaine.
-Sommes en état de guerre, répétez,
-Sommes en état de guerre.
-Bonne chance, SENAMAUD,
-Merci, mes respects, et bonne chance à vous, mon Capitaine.
Dans la 2éme quinzaine de septembre 1939, le Lieutenant de réserve PAUL VEIT, professeur d'histoire naturelle au lycée de METZ est affecté au commandement du couple de Casemates des BAMBI. Je me rappelle l'avoir vu arriver, muni d'un filet à papillons.... Au demeurant sympathique, pédagogue.
Le 2éme Bataillon du 146éme R.I.F. devient le 156éme REGIMENT d'INFANTERIE de FORTERESSE. Il sera commandé par le Colonel MILON.
Le 1er Janvier 1940, je suis nommé SERGENT-CHEF et mon ami PAUL DUCOS, venant de l'EINSELING est nommé ADJUDANT et prend le commandement de BAMBI-NORD.
Une petite réunion est organisée sous la présidence du Colonel MILON. Etait présent également le Lieutenant-Colonel Aimé CHEVRE, héros de la défense du passage de la MORTAGNE à GERBEVILLER le 24 Août 1914.
L'accordéon joue: "ON IRA PENDRE NOTRE LINGE SUR LA LIGNE SIEGFRIED"
OUI ,ON Y CROYAIT....
- Décrochage - sur ordre - des équipages de casemates de Bambiderstroff -
Bambiderstroff-Nord :
Mission :
- Appuis réciproques et flanquements sur le BLOC SUD DU BAMBESCH, et Casemate de BAMBIDERSTROFF-SUD.
Moyens de défense :
- 1 Cloche de Guet et Fusil-Mitrailleur, (G.F.M).
- 1 Fusil-mitrailleur de défense rapprochée.
- 1 Fusil-mitrailleur de Caponnière.
- 1 Goulotte Lance-grenades.
- 1 chambre de tir, équipée de :
- 2 jumelages de mitrailleuses REIBEL, 7,5 m/m.
- 1 Canon de 47 m/m, anti-chars.
Equipage :
- Chef de Casemate : Adjudant Paul DUCOS.
- Chef chambre de tir : Sergent BRAILLON.
- 18 Hommes.
- N.B. - : L'adjudant Paul DUCOS est un excellent spécialiste de Forteresse. Béarnais, il a toutes les qualités de sa race. Intelligent, très résistant, une carrure de lutteur et la carcasse d'un rugbyman. Il est adoré des ses hommes. Des sentiments affectifs profonds nous rapprochaient. Jamais le moindre différent ne surgira entre nous.
Usine :
- 1 Moteur Diesel C.L.M.
Bambiderstroff-Sud :
Mission :
- Appuis réciproques et flanquements en direction de la Casemate d'EINSELING-NORD, BAMBIDERSTROFF-NORD, et PETIT OUVRAGE DU BAMBESCH.
Moyens de défense :
- 1 Cloche de Guet et Fusil-Mitrailleur, (G.F.M).
- 2 Fusils-mitrailleurs de défense rapprochée.
- 2 Cloches Cuirassées : 2 jumelages de mitrailleuses REIBEL.
- 2 Goulottes Lance-grenades.
- PAS DE MOYEN DE DEFENSE ANTI-CHARS EN ETAT DE COMBATTRE.
- N.B. - : Faisant suite à une inspection du Général LAURE, nous avons reçu, fin mars/début avril 1940, deux armes mixtes Canon de 25m/m + Mitrailleuses REIBEL de 7,5.
Ces armes n'ont pas été installées. Elles sont toujours stockées en caisses, dans le Fossé Diamant ?
En Avril, nous avons vu arriver, guidé par un de ses servants, un Char F.T... Vénérable relique de la Guerre 1914/1918. Armé d'un Canon de 37m/m, il est venu s'embosser entre nos deux Casemates. Le Chef de Char est un jeune Maréchal-des-Logis, certainement compétent et au demeurant très sympathique, plein de courage et de bonne volonté. Il n'en peut mais ...
Equipage :
- Chef de Casemate : Sergent-Chef Yves SENAMAUD.
- 2 Caporaux-Chefs : GAMBOTTI, qui est Corse. L'autre est originaire de Mesnil-sur-Oger dans la Marne.
- 18 Hommes ?
Usine :
- 1 Moteur Diesel C.L.M.
... ici manque les pages 3 à 6 inclus ...
7 - .....................
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Mardi 11 Juin 1940 - Bambiderstroff :
Les Allemands annoncent qu'ils vont faire leur entrée dans Paris ...
8 - .................
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Mercredi 12 juin 1940 - Bambiderstroff :
Attaque allemande dans la trouée de la Sarre, en direction de Sarralbe ?
La T.S.F. française ne dément pas l'entrée des troupes allemandes dans Paris.
Le Char F.T. nous quitte pour rejoindre son unité. Je le regarde s'éloigner, toujours guidé par son "cornac". Le ridicule ....
Le Lieutenant VEIT nous réunit avec DUCOS pour faire le point. C'est pénible.
9 - ...................
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Jeudi 13 Juin 1940 - Bambiderstroff :
Vers sept heures du matin, le Sergent-Chef DUCOS m'appelle :
-" SENAMAUD, ils sont partis... "
ILS, ce sont les Troupes d'Intervalles...
Partis, sans nous prévenir, cela me parait impossible. Pourtant il faut bien se rendre à l'évidence : les Intervalles ont décroché à l'anglaise. Rien ne nous permet d'expliquer un départ aussi précipité, et l'inspection de leur tranchées ou abris ne nous apporte aucun élément nouveau.
Le Lieutenant VEIT nous rejoint. Nous nous efforçons de comprendre. Comme nous ne pouvons admettre un repli aussi insolite, il nous faut une explication... Nous nous "cramponnons" à l'idée des les Intervalles sont partis vers l'arrière pour organiser une ligne de résistance dans le but d'éviter que les Allemands ne nous prennent à revers.
"Ce que nous ne savons pas, c'est que les troupes du Général Oskar VOGL, sont passées par la trouée de la Sarre, derrière la 95eme ID du Général Six von ARNIN, pour se rabattre derrière le Secteur Fortifié de Faulquemont".
Le Lieutenant VEIT part à l'EINSELING pour rencontrer le Lieutenant VAILLANT.
De mon Côté je vais au BAMBESCH, où le Lieutenant PASTRE et le Sous-lieutenant REGIS sont, comme nous, très perplexes sur ce "décrochage", dont, eux aussi, n'ont pas eu connaissance.
Le Sous-lieutenant REGIS croit que très bientôt nous recevrons l'ordre de résister "jusqu'au bout"
De son entrevue avec le Lieutenant VAILLANT, le Lieutenant VEIT ne rapporte rien de concret. Personne ne parait avoir été mis au courant de ce repli singulier. Nous nous réunissons avec DUCOS et décidons de ne rien changer à la vie des Equipages, mais d'être très attentifs.
Je soulève le problème des 2.500 coups de 25, stockés dans l'amorce de tranchée, et des canons qui sont toujours en caisses dans le Fossé Diamant. Aucune solution n'est trouvée.
Pour nous couvrir la nuit, nous décidons de doubler les sentinelles à l'extérieur des Casemates.
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Vendredi 14 Juin 1940 - Bambiderstroff :
La nuit,comme toujours depuis le 3 septembre1939, a été calme.
Aux premières nouvelles, les allemands annoncent triomphalement qu'ils vont faire, aujourd'hui,leur entrée dans PARIS. La T.S.F. française confirme...
Il fait un temps superbe..
Le lieutenant VEIT et le lieutenant VAILLANT vont déjeuner dans un P.C. dont j'ai oublié le nom. A son retour il rapportera peut-étre des renseignements précis sur ce que sera notre prochaine mission.
En fin d'après-midi,un motard apporte un pli URGENT ET SECRET.
C'est l'ORDRE DE SABOTAGE ET DE DECROCHAGE DES CASEMATES ET OUVRAGES CORF.
Je crois me rappeler qu'il portait le n° II.985/3/5.
Il émane du Général DE GIRVAL, commandant le Secteur Fortifié de Faulquemont. Je ne me souviens plus s'il était signé par le général ou pour ordre.
Cet ordre ,qui m'avait été remis par le lieutenant VEIT, je l'ai gardé par devers moi jusqu'en 1960, où il a disparu, le 29 février 1960, avec mon bureau, lors du tremblement de terre d'AGADIR.
Cet ordre prescrivait, je cite de mémoire:
-que les équipages de casemates CORF décrocheraient,après avoir saboté leurs installations et matériels, le 15 JUIN 1940 à 22 heures. Ils seraient recueillis, en principe,par le G.R.C.A.
Un manuel du"parfait petit saboteur" était joint à cet ordre...
-que les équipages des ouvrages CORF décrocheraient,après avoir saboté leurs installations et matériels, le 17 JUIN 1940 à 22 heures.
Avec Paul DUCOS,nous nous réunissons avec le lieutenant VEIT afin d'étudier en détail cet ordre qui nous bouleverse.
Nous pensons sans trop y croire qu'un contrordre va nous parvenir qui remettra les choses en l'état, c'est-à-dire de résister sur place.
Si cet ordre est exécuté tel qu'il est rédigé, il ne fait alors aucun doute pour nous que cela va tourner à la catastrophe.
En effet nous observons que:
-Notre décrochage va créer un trou béant dans le dispositif et causer inévitablement d'énormes difficultés supplémentaires aux P.O. du BAMBESCH et de l'EINSELING.
J'ai dit alors que rien n'empêcherait les allemands de pousser un canon à tir rapide à BAMBI-NORD et "d'allumer" le BLOC SUD du BAMBESCH jusqu'à ce que le créneau saute....C'est en gros ce qui s'est passé 5 jours après notre départ....
-Il n'y a pas d'illusion à se faire : nous ne serons jamais recueillis par le G.R.C.A. Le terme "en principe" employé dans l'ordre est très clair...
-Nous ne sommes ni équipés, ni armés, ni formés pour pouvoir affronter avec un minimum de chances de succès le moindre petit accrochage en route.
-Quatre jours après notre départ,nous n'aurons PLUS de ravitaillement...
-Les équipages des ouvrages CORF seront dans l'impossibilité de décrocher le 17 juin. Par intuition nous pressentons que les allemands vont boucler les arriéres de la Ligne. Dans 48 heures les allemands seront au contact et les équipages d'ouvrages n'auront plus que l'espoir de pouvoir tenir jusqu'à un armistice inévitable.
Nous reprenons contact avec l'EINSELING et le BAMBESCH pour essayer à nouveau d'obtenir un contrordre en nous appuyant sur le fait,qui ne sera pas démenti,que seule la Ligne C.O.R.F. intacte permettra d'opposer une défense cohérente aux allemands.
Tous sont d'accord, y compris le KERFENT et LAUDREFANG, qui sont intervenus de leur coté. Mais ,très vite,nous nous apercevrons que l'ordre de décrochage ne sera pas rapporté. Le sergent-chef DUCOS, avec son bon sens habituel, résume la situation en me disant : "SENAMAUD,c'est râpé".....
Mais il est juste de reconnaître que tous les équipages, et cela est bien normal, sont atteints d'AGORAPHOBIE. Ils ont été formés pour le béton et ne peuvent se battre efficacement que dans la Forteresse. Essayez, pour voir, de faire combattre à l'air libre un équipage de sous-mariniers et vous verrez le résultat. Ce n'est pas pour rien que dans la Marine il a été créé un corps de fusiliers-marins......
Les nouvelles captées dans la soirée sont de plus en plus pessimistes quand la source est française. Par contre si l'on écoute les allemands,d'après eux, ils sont maîtres de toute la FRANCE; Ils le font savoir à grands coups de gueule et de déchaînement de musique militaire.
Le moral en prend un grand coup...
Vers 22 heures, de grandes lueurs d'incendie apparaissent dans la région des Avants-Postes, devant le petit ouvrage du KERFENT.
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Samedi 15 Juin 1940 :
Les dés sont jetés. L'ordre de décrochage des Casemates du Secteur Fortifié de Faulquemont est maintenu.
Après avoir procédé à la destruction des matériels, les équipages quittent les Casemates à 22 heures. En principe nous devons être recueillis par le G.R.D.I.
Rien,évidement.....
A mon avis cet ordre aberrant sera responsable de la chute des petits ouvrages. La 1ére Armée du général Von WITZLEBEN a pu manoeuvrer sans risque et sans gloire. Avec Paul DUCOS nous nous jurons que nous ne serons jamais prisonniers. Avec beaucoup de chance, c'est ce qui est arrivé.
Il nous faut prévenir les équipages, ce qui ne posera aucun problème particulier : en Casemate, nous vivons cote à cote,et les secrets seront toujours des secrets de Polichinelle.
Très vite, les Caporaux-Chefs font préparer les équipements,l'armement ainsi que trois jours de vivres.
En ce qui concerne l'armement, nous emporterons:
-pour BAMBI-NORD: 1 F-M, cartouches, grenades, armes de poing.
-pour BAMBI-SUD: 2F-M, cartouches, grenades, armes de poing.
Les F-M n'ont ni bi-pieds, ni bretelles. GAMBOTTI improvise et prévoit des musettes pour les chargeurs.
La destruction commence, ce n'est pas aussi simple qu'il y parait. Comme nous n'avons pas de masse, nous nous servons des canons de mitrailleuse. Casser, brûler, déchirer, combler les fosses septiques, avec des vivres, des cartouches, des pièces de mitrailleuse,etc... Tout cela est dérisoire et très vite nous comprendrons que nous n'arriverons jamais à tout détruire.
A BAMBIDERSTROFF-SUD, j'ai un problème particulier avec la destruction des 2500 coups de 25, et des 2 canons.
Une équipe s'emploie au dessertissage de ces obus. La poudre est recueillie dans des sacs, mais très rapidement malgré les précautions prises, nous marcherons sur la poudre au risque de provoquer des explosions en chaîne.
Pour les canons de 25, ils sont d'une solidité à toute épreuve et les 2 hommes qui s'acharnent dessus n'arrivent à rien. La rage de détruire....
Le lieutenant PASTRE et le sous-lieutenant REGIS viennent nous faire leurs adieux. Je les sens consternés par ce "carnage". A cet instant ils pensent certainement que leur tour va arriver demain.
Nous nous saluons une dernière fois, sans pouvoir parler.
Le lieutenant VEIT me fait part de son intention de préserver le P.C., afin que les allemands voient comme nous étions bien installés?? C'est vrai que ce P.C. était bien organisé, c'est également vrai que nous y avons passé des heures agréables,mais d'ici à LEUR laisser en l'état comme le suggère le lieutenant, c'est autre chose. D'ailleurs nous n'aurons pas à nous interroger longuement, METZINGER frappe, entre, prend mon poste de T.S.F. et l'écrase par terre. C'est fini pour les états d'âme..... Ensuite ce seront les dossiers, les photos,les objets personnels,enfin tout ce qui peut être accumulé en une année dans ce qui fut notre maison.
J'ai décidé qu'au moment du départ, avec ma réserve d'essence, j'essaierai de faire sauter ce que nous n'aurons pas pu détruire. A cet effet METZINGER prépare un relais avec des bandes molletières que nous imprégnerons d'essence. Au préalable, le moteur sera mis en marche après avoir été vidangé et les réserves de gasoil ouvertes.
Le sergent-chef DUCOS procédera de la même façon à BAMBI-NORD.
Cette méthode de sabotage est prévue dans les consignes reçues : un incendie de plus ou de moins ne changera rien aux déductions des allemands sur le décrochage de la Ligne.
C'est terminé. Ensemble, nous mangeons, je ne sais pas quoi. Un vrai repas d'enterrement...
Maintenant il faut s'équiper. Je me rappelle avoir mis une veste en gabardine toute neuve, coupée par DELPECH, de quoi "crever de chaleur"
Je vérifie le pistolet STAR qui me vient de mon père, ancien commandant de la 5éme compagnie du 43 éme R.I. en 14/18, pendant que GAMBOTTI rassemble l'équipage à l'extérieur des barbelés.
Avec METZINGER nous mettons le moteur en marche, vidangeons le carter et ouvrons les réserves de gasoil qui s'écoulent dans les caniveaux. Je trempe le relais de bandes molletières dans l'essence. Nous le déroulons avec précaution;l'extrémité est passée dans le judas de la porte étanche que nous verrouillons.
J'allume....
Nous partons...Vers où???
Tout en marchant aux cotés du Lieutenant VEIT et de Paul DUCOS, je fais mentalement un retour en arrière sur ce qui a été notre vie et nos espoirs depuis septembre 1939. C'est le silence...
Après une heure de marche nous apercevons des flammes sur les BAMBI. Je suis soulagé, la destruction des Casemates aura été totale.
Nous allons vers un rendez-vous où personne ne nous attend ... Incapable de prendre la moindre initiative, je marche mécaniquement.
Je suis complètement démoralisé....
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Dimanche 16 Juin 1940 : Bois de REMILLY KM15
Vers 4 heures du matin nous arrêtons notre marche dans les bois de REMILLY. La colonne du Lieutenant MORETTE, qui comprend les équipages des Casemates de l'EINSELING et des QUATRE-VENTS, nous a rejoint. Bien entendu le G.R.C.A. n'est pas au rendez-vous, ce qui n'est pas pour me surprendre. L'Etat-Major du Secteur Fortifié de FAULQUEMONT n'a pas, lui non plus, jugé utile d'envoyer un officier en observateur.
Mais pourquoi s'en étonner, c'est dans la logique des choses, mais cela ajoute un peu plus à ma tristesse.
Le Sergent-Chef DUCOS, toujours en très grande forme, part aux nouvelles avec le Lieutenant VEIT. DUCOS a ceci de particulier qu'il avale les mauvaises nouvelles sans "contraction d'estomac". Il poussera même une reconnaissance à bicyclette dans la région d'HERNY. Etant tombé sur une patrouille allemande, cette initiative faillit très mal tourner.
Nous ne pouvons continuer à tourner en rond. Il faut prendre une décision avant la nuit. Le lieutenant VEIT décide de partir en tête, avec le Sergent-Chef DUCOS, le médecin auxiliaire VITTON et l'équipage de BAMBI-NORD. Cette solution ne me parait pas être la bonne. Je m'exprime. Mais les ordres sont les ordres.. Paul DUCOS qui sent mon désarroi, me réconforte et essaie de me persuader que tout se passera bien.
BAMBI-NORD est parti, maintenant c'est notre tour. Notre avance est très lente ; la cause en est les trop grandes précautions que nous prenons pour progresser.
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Lundi 17 Juin 1940 : Région d'HERNY KM 3, total KM 18
Vers 11 heures nous sommes installés à la lisière d'un bois. Pour éviter une surprise désagréable,j'ai posté des sentinelles et un F.M. est en batterie. Le reste de l'équipage est au repos. Avec le Caporal-Chef GAMBOTTI nous observons attentivement une ferme isolée qui parait n'être habitée que par une femme seule. Pas d'allemands dans le coin. Pourquoi ne pas essayer de se procurer du ravitaillement,ce qui nous changerait des vivres de l'Intendance ?